le Maroc avait progressé de cinquante années en quelques vingt années de règne.
Mohammed VI
La vision d’un Roi actions et ambitions
La marque de fabrique d’un écrivain ou chercheur qui se respecte, est sa capacité -pour ne pas dire son talent – de sortir des stéréotypes et des clichés pour se forger sa propre image et imposer son empreinte. Le mérite est d’autant plus grand que l’auteur s’attaque à des sujets tabous ou se prononce sur des personnalités qui sont toujours sous les feux de la rampe. C’est dans ce sens que l’ouvrage
« Mohammed VI, la vision d’un Roi : Actions et ambitions » du Dr. Jean -Marie Heydt mérite tous les égards. Et je suis d’autant plus contente qu’il m’a fait l’honneur de me donner cette interview. Je suis certaine que les lecteurs y trouveront matière à broder – et dans le bon sens, j’en suis convaincue.
Q: Il n’est pas toujours aisé de parler d’un pays étranger et à plus forte raison d’un chef d’Etat assumant une double fonction temporelle et religieuse comme le roi du Maroc. Comment avez-vous réussi à faire passer les deux fonctions comme étant aussi naturelles que complémentaires?
Il est vrai que lorsqu’on vit dans un pays où la séparation des pouvoirs entre l’Eglise (les églises) et l’Etat est constitutionnellement ancrée dans la vie quotidienne, l’éducation est forcément emprunte de cette culture. De fait, les schémas de pensées sont eux-mêmes conditionnés par une perception séparatiste de la fonction d’Etat. Cependant, l’observateur ne peut se limiter à ses seules représentations s’il veut objectivement étudier les évolutions politiques d’un pays. La double fonction, temporelle et religieuse, de Sa Majesté fait partie intégralement de sa charge royale et imaginer de la séparer reviendrait à reformer totalement le modèle étatique marocain. Grace au fait d’être Commandeur des croyants, le Roi a la capacité de guider aussi bien le peuple que leurs imams, atout considérable qui autorise une lecture évolutive des textes coraniques (tout en respectant les fondamentaux). A cela s’ajoute le fait que toutes les autres religions sont également sous la protection et la bienveillance de Sa Majesté. Tous les textes d’Etat récents (pour exemple, ceux en lien avec la place de la femme ou encore la nomination de femme prédicatrices) ont pu voir le jour, car en lien avec la vision royale. C’est cette dimension qui rend naturelle mais aussi très fortement complémentaire la fonction religieuse à la fonction temporelle.
Q: Votre livre s’est attaqué à plusieurs tabous en les démystifiant au passage, quel enseignement auriez-vous tiré de l’analyse des réalisations du Maroc sous la conduite d’un roi vigilant, à l’écoute et travaillant dans la sérénité malgré les turbulences de la politique intérieure et extérieure?
Le Maroc a su montrer au monde entier qu’en l’espace de ces vingt dernières années, il avait pu réaliser un bon de plus de cinquante années. Lorsqu’à la parution du livre, j’ai eu l’occasion d’en échanger avec des amis, plusieurs d’entre-eux ne percevaient pas bien ce que moi, humaniste, sensible à la place et l’importance des droits de l’Homme, pouvait bien écrire sur le Maroc. Tous portaient un regard sur le Maroc d’un pays essentiellement de villégiature qui, en dehors des hôtels de luxe pour séjours et vacances, en serait encore au 19ième siècle, dépendant de l’Europe…
Je me suis donc attelé à évoquer les principales réalisations où l’humain se trouve être au cœur de la construction d’un Maroc moderne et reconnu par la Communauté internationale. Sous la conduite de Sa Majesté, les réalisations que je décris dans mon livre démontrent à quel point la logique de chacun des projets prend en compte les marocaines et marocains. Il n’est donc pas étonnant que cette démarche royale n’ait pas toujours été bien comprise au début de son règne. Certains allaient jusqu’à murmurer qu’Il était le Roi des pauvres…Eh oui ; il fallait le traduire par « il est le Roi de tous les citoyens, y compris les plus pauvres… ». Et le tout dernier discours royale prononcé à l’occasion de la Fête du Trône de ce 30 juillet 2022 illustre parfaitement cette volonté lorsque Sa Majesté dit : « A l’évidence, nous ne pourrons relever les défis internes et externes que si nous allions esprit d’initiative et résilience. Il nous sera ainsi possible de consolider la stabilité sociale, d’améliorer la condition de la femme et de la famille, de renforcer les capacités de l’économie nationale. »[1]
Bien évidemment, toutes ces réforment et évolutions ne sont concevables qu’avec une économie en mesure de supporter cette volonté royale. Et selon le dernier rapport de la Banque mondiale[2], le Maroc aurait connu une « (…) forte reprise économique en 2021 [qui aurait] permis (…) de compenser une grande partie des pertes de production et d’emplois causées par la crise de la COVID19. » Ce qui conduit cette Institution mondiale à prévoir, malgré la baisse de la production agricole liée à la sécheresse, malgré les séquelles socio-économiques liées à la pandémie, une croissance économique néanmoins estimée à 1,1%.
Bien évidemment les turbulences provoquées par les enjeux politiques internes et externes auraient pu déstabiliser la progression du pays. C’est dans un tel contexte que l’on perçoit toute la puissance que représente un projet de vie lié à un projet d’Etat. Le Monarque a à cœur le devenir de son Royaume et dispose (à la différence d’un « président élu ») de la durée pour lui donner corp.
Qu’il s’agisse de ses rapports avec l’Europe ou avec l’Afrique, dans les deux cas le Maroc est devenu le pont incontournable reconnu par les Etats. Et cet axe n’est pas unique puisqu’il s’ajoute aux multiples interventions diplomatiques qui portent leurs fruits en Orient, au Moyen-Orient et en Amériques. Dans de nombreux domaines, que je souligne dans le livre, le Maroc est cité en exemple (la gestion migratoire, la gestion de l’eau et de l’énergie, etc.) par de nombreuses Organisations internationales et pays.
Le journaliste et écrivain marocain, Abdelhak Najib, résume formidablement bien, en une phrase, l’impact de Sa Majesté sur l’évolution observée : « Il incarne la rupture. Il est l’exemple du Roi humaniste. Il tranche avec le passé par sa vision éclairée et son regard résolument tourné vers le futur. »[3]
Q: D’où vient la force tranquille du Maroc, d’après vous? La stabilité? La pérennité des institutions? Le réalisme puisé dans une histoire séculaire? l’adhésion populaire malgré certains dérapages?
La force tranquille que peut vivre le Maroc depuis des décennies, et qui lui confère cette stabilité à la fois Institutionnelle et populaire, trouve sa source de tout évidence grâce à la place et au pouvoir reconnu à son Roi. Les vagues de soulèvements, parfois très violentes qu’on connu d’autres Etats en 2011 (et qui sont toujours en crise…), auraient pu affecter de la même façon le Maroc. Certes, cela n’a pas empêché les turbulences qui se sont produites et que l’on connait. Mais la sensibilité du Monarque d’être à la fois à l’écoute, suffisamment clairvoyant pour apporter des réponses de qualité et qui plus est, très réactif, sont devenus les ingrédients de cette stabilité. Les Institutions marocaines qui chaque année renouvellent leur allégeance au Roi, ne réponde pas uniquement à une cérémonie culturelle mais véritablement à volonté intrinsèque de reconnaître pour elles – Institutions d’Etat – tout l’intérêt de cette situation pour la stabilité du pays.
L’adhésion populaire, quant à elle, représente le juste retour d’un peuple qui reconnait le chemin parcouru par son pays et sait surtout qu’il est entendu par son Souverain, souvent au-delà des Institutions représentatives.
le Maroc aujourd’hui est reconnu comme un interlocuteur à haute valeur!
Q: Il est certain que dans un monde turbulent comme celui dans lequel nous vivons, il n’y a plus de place pour des politiques extérieures cavalières. Comment pouvez-vous percevoir la manière dont le Roi a géré les crises qui avait opposé le Maroc à certains pays européens notamment l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et bien avant avec des pays scandinaves notamment la Suède?
Je suis profondément convaincu que l’issue des différends qui opposaient le Maroc à plusieurs pays européens ont trouvé, quel que soit l’objet, leurs résolutions grâce à la dynamique politique étrangère de Sa Majesté, mise en œuvre par le ministère des Affaires étrangères. Les deux derniers exemples en date sont significatifs en soit. Il y a encore une bonne dizaine d’années, ces pays européens n’auraient pas accepté la détermination marocaine à exiger une position claires de leurs parts. Il y a eu, pour exemple en matière de pêche et d’agriculture, une position très forte de refus de la part du Maroc à l’égard de la position de l’Union européenne. Cette dernière a ainsi découvert et reconnue une assurance sans précédent de la part du Royaume. C’est aussi par un travail relationnel où se mêle une approche par le Soft-power marocain et la reconnaissance des compétences du Royaume qui ont conduit les européens à réviser leurs considérations que je qualifiais d’ancestrales. Aujourd’hui, le Maroc est reconnue comme un interlocuteur à haute valeur ajoutée.
Q: Seriez-vous d’avis, comme le pensent certains planificateurs politiques et militaires, que les politiques d’axes en Afrique subsaharienne et en Afrique du Nord plus particulièrement sont révolues?
Je partage cet approche qui rappelle que les références d’hier doivent être conservées dans les dossiers d’histoire (non pour les oublier, mais pour qu’ils servent de repères pour l’avenir) et qu’il nous faut constamment construire l’avenir en fonction des critères raisonnés d’aujourd’hui. Plusieurs pays européens avaient redessiné la carte africaine en fonctions des enjeux du passé. A cette époque, la dimension humaine n’était guère prise en considération dès lors qu’il s’agissait des autochtones. L’indépendance de ces pays autorise heureusement qu’il en soit autrement et que l’humain puisse être pris en considération lors de l’élaboration des projets. C’est justement une dimension que le Maroc a pris en compte en développant son africanité. Aujourd’hui, venir en aide aux Etats africains s’inscrit pour le Maroc comme une priorité. Qu’il s’agisse de plus d’un milliers de conventions bilatérales, des accords commerciaux, des soutiens médicaux, de l’accueil des étudiants subsahariens ou tout simplement de la gestion migratoire… ces interventions sont réalisées de façon inclusive.
C’est un nouveau souffle pour l’axe Sud-Sud que propose le Maroc – comme locomotive du développement – et de nombreux pays africains ne s’y sont pas trompés en adhérant à la main tendue de Sa Majesté. Oui, la politique africaine représente un potentiel qui n’a pas échappé au Royaume chérifien. A la différence des expériences du passé, le Maroc propose un développement qui vienne de l’intérieur, qui est progressivement reconnu par les autres continents et qui finalement redessine la carte des rapports intercontinentaux.
En conclusion,
Je débutais cet entretien en affirmant que le Maroc avait progressé de cinquante années en quelques vingt années de règne. Oui, je confirme cela, car l’importance des domaines ayant connu une évolution significative est considérable. Certes, l’universitaire comparatiste que je suis, se doit de rappeler qu’il faut comparer ce qui est comparable, à savoir de comparer le Maroc d’aujourd’hui au Maroc d’hier (et non à la Suisse d’aujourd’hui !). L’évolution est telle que l’on n’est pas loin d’imaginer que l’Union africaine (que le Maroc a réintégré en 2017) puisse devenir une puissance économique nouvelle suffisamment en capacité de négocier – en tant qu’Union – avec les autres Unions de la planète. Dès lors, le Maroc serait susceptible de devenir l’Ambassadeur qui siègerait, notamment au sein de l’Union européenne, comme négociateur principal. Le Maroc n’est pas un Etat membre de l’Union européenne mais il y a voix au chapitre sur de nombreux dossiers. En revanche, le Maroc est membre du Centre Nord-Sud des Etats membres du Conseil de l’Europe et y occupe la Vice-présidence depuis plusieurs années. Cette évolution que j’imagine est donc à portée de mains.
Biographie de l’auteur:
Ph.D. Jean-Marie HEYDT, de nationalité Suisse et Française, est enseignant-chercheur – Université de Haute Alsace (France), domaine des sciences sociales et associé au Centre de recherche sur les migrations de l’Université de Oujda (Maroc). Également Chercheur associé au Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication ; « ATIP » de l’Université de Strasbourg.
Docteur en Sciences humaines et politiques, spécialisé en éducation comparée et Diplômé d’Études Européennes (Mutation des sociétés et cultures en Europe. Observateur et un expert international auprès d’Organisations publiques ; il analyse les évolutions humaines dans le cadre des stratégies politiques.
Expert en ingénierie de management d’équipe, il est spécialisé pour la gestion de situations de crises.
Il a présidé successivement la Conférence (permanente) des OING du Conseil de l’Europe et le Centre Nord-Sud, à Lisbonne, du Conseil de l’Europe.
Auteur d’ouvrages récents :
-
Mohammed VI, La vision d’un Roi : actions et ambitions, Ed Favre, Lausanne, 06/2019
-
Médiations & migrations ; Postface – Migrations : approches européennes, Ed Harmattan, Paris, 01/20
-
Maroc : de quoi avons-nous peur ? Préambule – Maroc, maintenant ou jamais, Ed Orion, Casa, 06/20
-
Coronavirus, la fin d’un monde ; Préambule – Exorcisons notre peur, Ed Orion, Casa, 08/20.
-
La réduction des risques, Le manifeste ; ouvrage collectif dirigé par Dr Imane Kendili, Pr Jallal Taoufik, Pr David Khayat, Pr Peter Harper et Préfacé par Pr Jean Marie Heydt, Ed Orion, 04/21.
-
Un prochain ouvrage en cours d’écriture qui fera l’analyse sur le vivre au Maroc aujourd’hui.